Pfffff, mal aux fesses. Mais qu’est-ce qu’on fiche sur ce vélo ?
On est repartis sous la pluie ce matin, découvrant au passage que, même quand le ciel est clément, l'air est tellement saturé d’humidité que même nos vêtements techniques en synthétique n'ont pas assez de la nuit pour sécher. Si après une première côte particulièrement costaude, la route est plus facile tandis que nous rejoignons le nord de l’île, après une quarantaine de kilomètres sans un arrêt, la selle commence à devenir inconfortable pour ma fesse gauche. Nous avons délaissé les plages de l’ouest en traversant d’étranges zones résidentielles aux grandes maisons que bordent plusieurs terrains de golf. Les buffles nous regardent passer d’un air intrigué, alors que les chiens, que nous redoutons de réputation auprès des cyclo-voyageurs, semblent pour l’instant rester calmes. Nous avons même croisé un éléphant caché entre deux arbres ! Puis nous avons rejoint le fameux pont qui surplombe l’étroit bras de mer séparant l’île de Phuket du continent, et nous nous sommes lancés sur les routes du continent. Et là, alors que mon coccyx me lance, je regrette un peu mon confortable vélo couché. Loin de cette lourdeur dans les côtes, tellement plus confortable… Me revient la question d’hier : Pourquoi nous sommes-nous embêtés à partir ainsi avec ce vélo qui nous contraint à passer nos journées à pédaler au lieu de profiter, et à avancer au ralentit plutôt que de foncer vers les coins qui ont un réel intérêt ? Les prochains jours ont le bon goût de m’apporter une réponse flagrante que je connaissais déjà, mais qui a tendance à s’oublier quand on a mal aux fesses. Pour les « coins qui ont un réel intérêt », ils sont très vite remis en cause par la ballade que nous faisons le soir pour aller découvrir la baie de Phang Nga et la fameuse île de James Bond. Nous avons eu du mal à décider de poser notre vélo et à payer le prix fort réservé aux touristes pour monter dans une pirogue à moteur mignonne mais infiniment trop grande et polluante pour nous deux, à la découverte de ces îles que l’on voit sur les couvertures de tous les guides touristiques dédiés à la Thaïlande. Lucie craignait le manque d’authenticité et le décalage avec notre quotidien simple de cyclovoyageurs, tandis que j’avais peur de regretter de ne pas « avoir fait ce best-of Thaïlande » si nous décidions de passer outre. Finalement, on a fait un passage express dans un joli coin, mais Lucie avait raison. La récupération touristique du lieu lui a un peu ôté de son charme… Par contre, l’accueil poliment surpris que nous réservent les moines le soir dans le monastère bouddhiste où nous allons demander à être hébergés justifie à lui seul le mal de fesses du matin. Quand nous l’interpelons, le religieux fait à peine mine de nous avoir vus et continue sa tâche de nettoyage sans se préoccuper de nous. Puis, alors que nous hésitons à tourner les talons, il pose son balai, nous observe un instant le visage dénué d’expression, nous fait signe de le suivre et s’éloigne vers un bâtiment. En quelques minutes, il nous présente une salle, de prière ou de conférence, au carrelage étincelant et aux beaux bancs de bois tournés vers l’autel près duquel siège un Bouddha doré, en nous faisant comprendre que nous pouvons nous installer là, puis nous mène jusqu’aux sanitaires. Sa tâche d’accueil accomplie, il fait demi-tour, et part à la tâche suivante sans même nous laisser le temps de le remercier. Nous, interloqués par son absence totale d’émotions et l’incongruité de la situation, éclatons de rire en installant notre tente aux pieds du Bouddha qui veillera sur notre sommeil. Un peu plus tard, un autre moine vient nous chercher et nous désigne l’échelle d’une petite tour à laquelle il monte, en nous faisant signe de ne pas avoir peur. L’instant suivant, la cour résonne des coups de cloche qu’il frappe à un rythme régulier. « N’ayez pas peur, je lance juste l’appel à la prière ». Ok, merci. Les psalmodies de la prière nous accompagneront toute la soirée, tandis que nous nous endormons dans la fraicheur relative qu’apportent les fans à notre disposition… La journée du lendemain démarre au bruit d’un défilé local que nous observons avec curiosité dans la rue. On voit passer des danseurs, des enfants avec des masques affreux ou portant des statues à l’effigies de monstres étranges, des porteurs d’offrandes… et nous dégustons tranquillement des beignets de bananes à côté de tout ce brouhaha en faisant essayer le Pino à un passant intrigué. Au fil des jours, nous trouvons notre rythme sur le tandem. Lucie a essayé de prendre un peu l’arrière pour me permettre de passer à l’avant et de reposer un peu ma fesse gauche. Malgré ses premières appréhensions à tenir le guidon avec les 200kg de chargement (30kg de vélo, 30kg de bagages, et nous deux), elle s’y fait très vite, et nous échangeons désormais régulièrement. De mon côté, ça m’a fait un peu bizarre au début de passer devant et de « ne plus avoir le contrôle » – une subtile trace de misogynie de notre société, ou simplement mon besoin de « maitriser » les choses ? – mais je m’y fais aussi rapidement. Il faut dire que c’est quand même confortable, et ça me rappelle les sensations du vélo couché. Le choix de ce tandem semi-couché se confirme rapidement comme idéal. Un peu plus lent dans les côtes, d'accord, mais idéal sur le plat, et surtout, quel bonheur de pédaler ensemble, se soutenir quand l'un ou l'autre faiblit, franchir les côtes ensemble et célébrer les sommets dépassés. Pas d'attente de l'autre, d'impatience à trouver que l’un n'avance pas, ou de rancœur à se sentir à la traîne. Fournit-on autant d’énergie l'un que l'autre ? Aucune idée, et honnêtement, je m'en fiche, je ne veux même pas le savoir. Au contraire, j’ai plaisir à me dire que chacun donne à sa mesure, en fonction de l'humeur du jour, l'effort de l'un compense la fatigue de l'autre et que le résultat ne soit que collectif… Quel confort aussi de pouvoir pédaler à son rythme grâce aux pédaliers désynchronisés, de voir tous les deux correctement le paysage et de pouvoir changer de position. Et je ne vous parle même pas de l'aspect facilitateur de rencontres. Et non, je n'ai pas d'action chez le fabricant ! Nous faisons désormais autour de 50km dans la matinée sur des routes parfaitement asphaltées dont les bandes cyclables, souvent présentes, nous surprennent toujours. La route file vers Surat Thani et la mer au Nord-Est, souvent entourée de forêts épaisses remplies de palmiers et de bananiers, parfois entre les collines, et, si elle est encore parfois pentue, nous avons aussi pris le coup sur des montées bien plus douces sur cette route principale que celles de la côte de Phuket. Le midi, nous profitons d’une à deux heures de pause, et, en fonction des rencontres, pédalons à nouveau 20 à 30km l’après-midi. En route, nous prenons plaisir à répondre d’un sourire, parfois d’un coup de klaxon et souvent d’un signe de la main et d’un « hello » ou « sawatdi-kha(p) » aux gestes de salut ou d’encouragement des gens assis devant leur maison ou dans les petits restaurants de bord de route. Ces échanges sont brefs, mais d’un simple sourire, on se sent rapidement connectés à ces inconnus, et on sent que la rencontre égayera leur journée autant que la nôtre. En haut d’une côte, une voiture qui nous dépasse s’arrête et un homme en descend pour nous tendre une bouteille d’eau, avec, comme souvent, le pouce levé. Toutes ces petites choses remplissent les journées d’une simplicité qui nous fait du bien et donne du sens à notre voyage. C’est pour cette raison, pour ces rencontres imprévisibles, pour ces sourires échangés et ces situations improbables que nous sommes partis. Nous sommes partis à vélo pour aller au rythme de la vie et que ces péripéties incontrôlables qui bouleversent notre quotidien apparaissent d'elles-mêmes sur notre route. Nous avons choisi ce mode de voyage pour que, plutôt que de visiter, d'aller au-devant de lieux d'intérêts reconnus selon le programme que nous aurions défini, nous vivions et nous immergions profondément dans ces étincelles de vie que le quotidien décide de mettre sur notre route. Nous avons troqué le confort et la beauté des lieux contre l'authenticité et la saveur de l'humanité. Et ça, ça vaut tous les coups de pédale du monde ! Comme le dit si bien Lucie, depuis un an, nous nous projetions sur ce voyage, préparions, planifions. Désormais, nous le vivons au jour le jour et laissons intervenir l'imprévisible, même si ça surprend toujours les gens que nous ne sachions pas répondre aux questions "Jusqu'où allez-vous ce soir ? Où dormirez-vous cette nuit ?" Ainsi, ce midi, alors que nous nous arrêtons pour notre traditionnel plat de riz dans une cabane en bois du bord de route, une femme d’une trentaine d’années vient discuter avec nous en nous expliquant qu’elle est prof d’anglais. L’échange s’éternisant, elle va chercher son fils de 2 ans et son petit-déjeuner, pour s’installer avec nous en nous expliquant qu’elle est en vacances et un peu décalée dans ses horaires. On parle de son travail, de notre voyage, d’une cascade sympa à quelques kilomètres… et quand on lui explique que ça fait quand même un détour non négligeable pour nous, elle propose spontanément de nous emmener en voiture dès qu’elle a fini son assiette. Dix minutes plus tard, nous voilà devant une magnifique cascade en pleine forêt tropicale. Lucie profite de la fraicheur et du charme de l’endroit en discutant avec Wan, notre hôte, un peu moins inspirée que moi par la couleur marron de l’eau qui jaillit 4 mètres au-dessus de nous. Moi, trop heureux de saisir cette occasion de se rafraichir et d’avoir un peu d’adrénaline en se jetant sous les gerbes d’eau, je m’accroche aux rochers glissants et plonge avec plaisir dans l’eau turbulente. Quand on a une occasion comme celle-là de rencontre, on ne la laisse pas passer, alors, lorsque Wan nous demande si nous avons le temps de passer boire un verre chez elle « avant de reprendre la route », nous n’hésitons pas longtemps. Après le passage par sa maison, et une visite chez ses beaux-parents, elle nous emmène chez un ami garde-forestier qui a une petite maison de bois au bord de la rivière. De fil en aiguille, nous passons finalement l’après-midi à nous baigner dans la rivière et jouer sur les chambres à air qui leur servent de bouées. Quand elle nous emmène ensuite voir un temple majestueux à quelques kilomètres de là, nous nous retrouvons soudainement sous des trombes d’eau parsemées d’éclairs qui nous empêchent de quitter la voiture. Le vent forcit brutalement et, en quelques secondes, un torrent de 30cm recouvre le sol devant le temple. Les gens courent à leurs voitures, les parapluies volent, le tonnerre claque comme je l’ai rarement entendu. Un vrai orage de mousson. Eh ben, heureusement que nous n’étions pas à vélo sous celui-là ! Pour le temple, il faudra repasser. Comme ceux que nous croisons régulièrement sur la route, celui-ci brille de mille éclats d’or et de décorations luxueuses quoiqu’un peu kitch. Tous semblent neufs, tellement loin de ceux que j’ai découverts au Nord de l’Inde. Là-bas, dans une ambiance un peu poussiéreuse mais d’une solennité qui vous enveloppait de manière intimidante, les monastères semblaient aussi ancestraux que les montagnes desquelles ils paraissaient sortir. Sombres, austères, ils semblaient renfermer des savoirs millénaires et s’être fondus dans la roche pour une vie de sobriété presque effrayante. Ici, on semble vouloir impressionner plutôt par le clinquant et le faste, on étale de la richesse dans une ambiance où l’image aurait remplacé la profondeur et la sagesse. Quant au soir… « Oh, vous devriez rester, il y a un super festival dans le village, et vous pourrez installer votre tente dans l’école puisque ce sont les vacances ! ». Finalement, le festival qui nous attirait tant se résume à une kermesse à l’ambiance « paillettes et casquette à l’envers » qui nous séduit beaucoup moins. Nous découvrons avec surprise qu’elle semble organisée par les moines voisins qui, à travers les « arbres à offrandes », sur lesquels il est bon d’accrocher un petit billet pour se porter bonheur, les manèges surprenants où les voitures et autres avions sont suspendus par des cordes et non posées sur un sol tournant comme chez nous, et les tombolas et autres jeux d’argents, doivent récolter de quoi redorer sans difficulté leur temple qui brille déjà de toutes parts. Entre les attractions, de grands stands proposent, ici des petites pâtisseries pleines de crème, là des bols de soupe, ou de la pâte à choux frite. Wan prend plaisir à nous faire découvrir tout cela, mais nous ne sommes pas mécontents que, pour cette fois, elle ne nous force pas à tester les larves et autres insectes grillés qu’elle dit pourtant excellents. Bon, ça ne restera pas le moment le plus mémorable pour nous, même si, grâce aux tickets de tombola qu’elle nous a offerts, nous gagnons un tube de lessive et une bouteille d’huile de palme ! Par contre, nous troquons le camping à l’école contre une nuit dans sa maison, près de la moto de son mari et de leurs photos de mariage. Nous découvrons alors avec surprise l’envers du décor derrière cette première pièce bien accueillante aux grandes baies-vitrées. La maison est basse de plafond, relativement sale et surtout très modeste, avec une salle de bain qui se résume à une pièce en béton avec un grand saut plein d’eau pour se laver en même temps que pour évacuer les toilettes, et une cuisine couverte de traces de graisse. Nous commençons à douter des histoires qu’elle nous racontait sur le soi-disant camping de luxe dont serait propriétaire son mari, près de l’île de Koh-Lanta, au Sud du pays, surtout lorsqu’elle publie sur Facebook une photo de nous soi-disant sur l’île avec elle, et sommes un peu déçus d’avoir l’impression que notre accueil devait sans doute participer pour elle à construire une image un peu virtuelle… Dommage. Même si cette importance de l’image nous interroge encore, nous retiendrons plutôt la chaleur de la rencontre et les bons moments passés ensemble l’après-midi.
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C’est sous un crachin désagréable que nous quittons Phuket. Loin des torrents des pluies de mousson que nous attendions, juste de quoi nous faire dire « qu’on peut rouler quand même » tout en nous détrempant. Nous avons finalement choisi de faire le tour de l’île de Phuket par les plages de l’Ouest, réputées pur être parmi les plus belles du monde, plutôt que de remonter directement vers l’aéroport, et la pluie a la bonne idée de s’effacer lorsque nous arrivons sur la côte et la plage de Patong. Une grande langue de sable s’étend devant la mer azur entourée de collines verdoyantes coiffées de cocotiers. Les nuages noirs s’amoncellent au large, apportant une touche mystérieuse au paysage. Pas mal, en effet, même si peut-être un peu trop touristique à notre goût. Après le repas du midi, la pluie reprend de plus belle, et, détrempés, nous découvrons que l’après-midi ne sera pas de tout repos. Passer par les plages de l’Ouest nous rallongeait la route de 25km. C’est raisonnable pour voir des jolis coins par rapport à la longueur de nos trajets. Oui, mais c’était compter sans la pluie et surtout les collines qui se succèdent au bord de l’océan. Les montées des routes secondaires ne doivent pas respecter les mêmes degrés de pentes que les principales apparemment, et, rapidement, elles viennent à bout de notre faible expérience du Pino. C’est donc à pied, en poussant notre monture, que nous escaladons donc la plupart d’entre elles, non sans un brin d’appréhension à l’idée de ce qui nous attend dans les montagnes vietnamiennes.
« Allez, c’est la dernière, après c’est plat ». Raté. Une grande descente dans laquelle je freine à contrecœur devant l’inquiétude de Lucie en première ligne et plus proche du sol, et tout de suite après, la route reprend de l’altitude. Allez, on donne tout ce qu’on a, on change de vitesse et on s’échine sur les pédales. Le vélo ralentit, on essaie encore de rétrograder, Lucie se cambre en appuyant de tout son dos contre son siège, j’essaie une incertaine danseuse en tentant de conserver un précaire équilibre, le vélo ralentit… et on pose le pied par terre. Pas possible, trop raide…. Alors, on souffle un coup et l’un s’agrippe au guidon tandis que l’autre va derrière le vélo pousser les sacoches. Excepté le ciel tout gris, l’environnement est pourtant agréable. Nous sommes entourés d’une forêt dense, anarchique, d’où dépassent ici un palmier, là une touffe de bananiers, et toutes sortes de buissons qui cherchent à envahir la route. Ici ou là, une trouée laisse apparaitre la mer et deviner des petites plages perdues, ignorées de la foule. Une petite rivière se fraye en grondant un chemin à travers la végétation épaisse… Un sacré charme, dont j’ai l’impression que nous profiterions davantage si nous ne consacrions pas toute notre énergie à essayer de faire avancer ce vélo ! Je jette des regards d’envie aux nombreux Pick-up qui nous dépassent. Ce ne serait pas bien compliqué d’en arrêter un et de mettre le vélo à l’arrière. Mais bon, dès le premier jour ? Alors, on remonte en selle et on s’évertue à avancer autant que possible, trempés en permanence, que ce soit par la pluie ou la sueur… On jette l’éponge après seulement 42km mais 700m de dénivelé positif, usés par la journée et séduits par une plage au cœur du parc naturel de Sirinat. On se laisse tenter par un petit hôtel réconfortant avant d’aller nous baigner dans les lueurs enflammées de la plage au crépuscule. C’est quand même bien agréable, et plus facile que le vélo ! Bah, ce n’est que la mise en route ! Demain, nous traverserons le Sarasin Bridge et quitterons l’île de Phuket pour entrer réellement sur le continent asiatique. Mais profitons pour le moment du coucher de soleil qui embrase le ciel au-dessus de la mer, car comme dirait Lucie, « une chose en son temps ». Les premiers kilomètres sont d’une facilité déconcertante. Ça roule tout seul, sans doute avec l’enthousiasme comme moteur. Lucie, assise sur le siège avant du Pino, notre tandem bizarre, surveille l’itinéraire sur notre smartphone, tandis que je tiens fermement le guidon tout en laissant mon regard passer d’une surprise à l’autre. Ça s’agite dans tous les sens, les petits marchands de bord de route nous interpellent et nous leur répondons joyeusement d’un signe de la main ou d’un coup de klaxon, les motards, nombreux ou leur voisin sur le side-car ou la remorque latérale qui en fait office, se retournent pour nous saluer. On retrouve les mini-épiceries, la viande exposée en bord de route, la poussière, les multiples odeurs, parfois agréables de cuisine en train de mijoter, parfois plus agressives, et la circulation un peu chaotique que nous avons connues en Afrique ou en Inde. Nous avons découvert en arrivant que les Thaïlandais roulaient à gauche. Tant pis pour notre rétro, un peu moins ajusté à droite… Par contre, nous découvrons aussi que grâce sans doute à la multitude de motos, une bande cyclable est réservée aux deux roues à peu près partout. Bon, elle est parfois utilisée par les voitures pour se garer, doubler, ou faire un écart quand le véhicule qui les double par la droite leur fait peur, mais globalement, la circulation est beaucoup plus facile et tranquille que dans d’autres coins du monde que nous avons fréquenté.
Nous trouvons rapidement notre rythme sur le vélo. Lucie, qui ne peut que pédaler mais pas maîtriser grand-chose à l’avant, prend de l’aisance (ou me fait davantage confiance ?), tandis que je fais attention à ne pas trop accélérer dans les descentes et à anticiper les mouvements et pans de route qui pourraient l’effrayer. A midi, je suis surpris que Lucie accepte une escale dans une gargote de bord de route qui expose ses plats derrière son comptoir en verre. Quelques tables un peu sales, un ventilateur poussiéreux, un rat qu’on voit courir sur une poutre… tout le décor d’une cantine populaire. Par forcément l’idéal niveau hygiène pour le premier repas, mais 100% authentique. D’ailleurs, on s’y arrête en constatant qu’il semble bien fréquenté par les locaux. Pour le choix des plats, euh… ça, là, l’espèce de mélange de légumes, où on reconnait des pouces de soja blanches, et puis… cette viande en sauce rouge, là, ça a l’air pas mal… Perdu. Les légumes, c’est top. La viande, évidemment, la sauce rouge c’était du piment ! J’ai un peu perdu l’habitude depuis l’Inde ! Entre ça et les morceaux d’os et de cartilage au milieu, je crois que je vais la laisser de côté. Je choisirai mieux la prochaine fois. Ah, la tenancière m’amène un étrange bol de bouillon. Merci… apparemment, c’est pour faire passer le piment, elle a dû voir à ma tête que c’était nécessaire. Pas mal, et ça marche super bien. Après quelques petites péripéties sans internet pour trouver le lieu précis, nous stoppons notre vélo devant la « School of the Good Shepherd », une école catholique soutenue par Enfants du Mékong par le biais de « parrainages collectifs », qui accueille environ 180 jeunes réfugiés birmans pour leur donner de solides bases de Thaï leur permettant ensuite d’intégrer les écoles locales. Anne-Flore vient à notre rencontre, apparemment heureuse de pouvoir parler un peu français. Volontaire « Bambou » d’Enfants du Mékong, elle a quitté la France depuis un mois avec une trentaine d’autres Bambous répartis sur différentes missions dans les 7 pays asiatiques d’action de l’association. Durant un an, elle sera chargée de soutenir la Sœur Lakana, fondatrice du centre d’apprentissage, et également de coordonner trois autres programmes de parrainages dans la région pour faire le lien entre le terrain et la France. L’école est aménagée en une dizaine de classe, une salle informatique, une estrade dans la cours où ont lieu les cours de chant – et où s’étend actuellement une grande banderole « Welcome Lucie and Pierre », et nous recevons, en entrant dans une classe, un salut impressionnant de protocole et de solennité de cette vingtaine d’enfants en uniformes. Après une rapide installation à la maison où nous serons logés, nous partons en fin d’après-midi avec trois enseignantes Thaï et Anne-Flore en moto à la rencontre de Lamon, un jeune filleul Thaï d’un autre programme dont s’occupe Anne-Flore. La maison, petite, en périphérie de la ville, est entourée de boue. L’intérieur est décrépi, et ressemble à ma cuisine en Inde dont l’état des murs faisait même fuir les souris. Nous nous installons sur les matelas de la pièce de vie, qui fait aussi office de cuisine et de chambre, où nous sommes accueillis par Lamon, sa tante, et sa petite cousine. A priori, Lamon a perdu sa maman il y a quelques années, tandis que son père est parti à sa naissance. Anne-Flore lui pose quelques questions pour savoir comment se passe sa scolarité et avoir quelques nouvelles, tandis que les enseignantes jouent les interprètes. A la fin de l’échange, Lamon tend une lettre à Anne-Flore. Celle-ci sera traduite et envoyée à son parrain pour donner quelques nouvelles. En fin de journée, quand nous retournons dans notre chambre, il nous faut peu de temps pour nous endormir malgré le grincement du fan voisin et le chant des crapauds. La journée a été riche ! …Tellement riche que le lendemain, nous n’entendons pas notre réveil et recevons un petit message d’Anne-Flore nous indiquant que les enfants nous attendent avec impatience pour nous accueillir ! Oups… Dix minutes plus tard, nous voilà dans la grande salle de l’école, sur deux chaises face à 180 enfants qui enchainent les chants, les saluts et les marques de respect. Eh béh, je ne suis pas sûr qu’on mérite tout cela, d’autant qu’on a encore roulé que 35km pour venir leur rendre visite ! Mais apparemment, c’est traditionnel à chaque visite… On aurait peut-être pu mettre ça en place à l’Ecole de Production dont je m’occupais, les jeunes auraient adoré ! Alors, nous participons de bonne grâce en expliquant notre voyage, par l’intermédiaire de la traduction d’une prof, et nous laissons faire quand deux enfants viennent nous passer un collier de fleurs autour du cou avant que chacun ne défile pour un dernier salut individuel. Eh bien, quel accueil ! L’après-midi passe entre premiers partages sur notre site et découverte de la ville de Phuket Town. Celle-ci nous semble finalement bien modeste avec 2-3 rues qui forment un centre-ville, quelques maisons anciennes et jolis coins mais sans plus. Ou peut-être sommes-nous trop fatigués pour en profiter. En tout cas, après avoir erré un moment à la recherche d’une carte sim, et un rapide petit restau, nous rentrons tôt pour nous préparer à reprendre la route le lendemain. Pierre PS : Les photos correspondant à cet article ont été publiées !
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