Le soleil du lendemain a éloigné la pluie, et, sur la route en travaux d’agrandissements, entre les gigantesques forêts de palmes qu’exploitent de grandes usines aux domaines luxueux, nous faisons assez peu de pauses, à moins d’un lieu ou événement particulier qui nous intrigue comme ce grand marché aux saveurs et odeurs locales dans lequel nous déambulons en goûtant les fameux « fruits du dragons » sous les éclats de rire de la vendeuse dont nous n’avons pas réussi à comprendre les indications de prix. Nous prenons aussi le temps d’échanger avec les gens qui étudient avec grand intérêt notre vélo lorsque nous sommes à l’arrêt. Le village semble sympathique et nous hésitons à y rester pour la nuit en allant demander l’hospitalité à l’église chrétienne que nous avons croisée avec surprise. Mais nous avons trouvé un hôte sur le site « Warmshower » – une communauté de cyclovoyageurs prêts à s’accueillir les uns les autres par laquelle nous avons fait de très belles rencontres en recevant chez mes parents des voyageurs du monde entier – qui pourrait nous recevoir demain soir et il reste beaucoup de kilomètres pour arriver chez lui. Alors, finalement, nous nous remettons en route pour en faire une partie dans l’après-midi.
Alors qu’on approche de 18h et que le jour commence à s’essouffler, je sens la pression monter chez Lucie concernant notre hébergement du soir. Elle était très séduite par le village et la route sur laquelle nous sommes est curieusement bordée d’assez peu de maisons. Avec un peu d’appréhensions pour cette première demande, nous nous approchons de l’une d’elles et essayons d’expliquer notre démarche et notre recherche d’un lieu ou poser un matelas. Incompréhension ou manière polie de refuser de nous accueillir sous son toit, l’homme qui nous écoutait nous désigne le poste de police en face et enfourche sa moto pour nous accompagner jusqu’à son extrémité ou sont installées des toilettes publiques. « Ici, vous pourrez installer votre tente et avoir de l’eau et des toilettes pour vous laver ». Nous le remercions non sans une petite pointe de déception. Alors que nous tournons en rond en nous demandant si nous nous contentons de cela ou allons essayer plus loin, un policier en plein footing s’approche et nous fait signe de le suivre. Quelques minutes plus tard, il nous désigne la cantine de son service avec l’électricité et surtout les ventilateurs, en nous montrant que ce sera plus confortable de dormir à cet endroit. Il nous indique aussi les toilettes du rez-de-chaussée du poste de police et s’assure que nous ayons quelque chose à manger. Quand nous lui faisons signe que non, il nous explique qu’on peut trouver un petit supermarché 1km plus loin, mais à peine sommes-nous sortis de notre douche un petit moment plus tard, qu’il ressurgit en nous tendant deux pasta-box locales à bases de noodles, auxquelles nous n’avons plus qu’à ajouter de l’eau bouillante, qu’il vient vraisemblablement d’aller chercher au magasin. Super, exactement ce qu’il nous fallait pour ce soir ! L’accueil des policiers du soir comme du matin qui semblent tous au courant de notre voyage et viennent échanger, qui un petit mot, qui un regard intrigué sur le vélo, nous fait débuter la semaine en beauté. Mais ce n’est rien comparé à l’accueil que nous réserve le lendemain Pattira, notre hôte Warmshower. D’après la photo sur le site, nous imaginons être accueillis par un jeune informaticien de 18-20 ans, qui, d’après l’annonce, vit avec sa mère. Arrivés à destination, une dame d’une trentaine d’années nous explique que « Patty » est parti accompagner sa mère au temple et nous propose à boire et quelques bananes pour patienter. C’est donc tout naturellement que j’entame la conversation en lui demandant si elle est la femme de notre hôte, en tapant mon texte sur le traducteur de notre téléphone pour être sûr de bien me faire comprendre. Ce n’est qu’à l’arrivée de Pattira que je comprends l’air choqué de mon interlocutrice, quand nous découvrons que « Patty », du haut de sa soixantaine d’années est en fait une dame… Oups ! Mais la gaffe est vite oubliée. Pattira est adorable et ses études à Sydney et sa carrière dans une grande entreprise de Pétrochimie lui ont forgé un anglais parfait, qui nous permet de passer une super soirée pleine d’échanges, en prenant plaisir à cuisiner une omelette ensemble et à bricoler des sacoches « maison » pour son vélo dont elle est si fière et avec lequel elle rêve de se lancer sur les routes. A tel point qu’au moment d’aller se coucher, elle nous demande si elle peut nous accompagner sur une partie du chemin. Le lendemain, nous serons trois à prendre la route du Nord vers Bangkok ! Je termine ce premier récit quelques jours plus tard, installé à l’abri pour une première pause matinale que nous a imposé la pluie, tandis que Lucie, à côté de moi, s’essaye à l’aquarelle…
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