C'est que le début, d'accord, d'accord... mais après 1600km, c'est depuis le Cambodge que nous vous écrivons ces lignes. Nous y sommes arrivés il y a déjà 5 jours, et, après un rapide passage au centre d'Enfants du Mékong à Sisophon, nous avons pris la route qui contourne par le Nord le grand lac au centre du Cambodge, direction Siem Reap.
Nous y sommes posés depuis 2 jours et avons pris le temps aujourd'hui de découvrir les fameux temples d'Angkor, traces poussiéreuses mais majestueuses de la grandeur passée de l'empire Khmer... Demain, nous reprendrons la route direction Phnom Penh que nous attendons avec impatience pour les nombreuses rencontres prévues là-bas... On postera de nouvelles photos demain et on publiera bientôt un récit plus long. A bientôt !
3 Commentaires
Sur la route, nous rencontrons du monde. Les gens de passage, mais aussi parfois les animaux. Les chiens, on n'aime pas en général (quoiqu'au Cambodge, ils semblent moins nerveux). Les vaches... on vous laisse juger ! On passe à un niveau de difficulté supérieur pour le "trucmuchthaï" ! A votre avis, quelle est la particularité de cette maison ? N'hésitez pas à partager vos réponses en commentaires !
Voilà une vidéo réalisée par Pattira, warmshower thaïlandaise qui nous a accompagnés pendant 2 jours à vélo, de Tha Chana à Chumphon. Une rencontre mémorable, merci Pattira ! Tous les midis, dans les petites cantines de bord de route oû nous mangeons, on commence par nous amener un verre plein de glaçons. Cela faisait un moment que nous nous demandions d'où ils venaient, ayant vu très peu de congélateurs (plutôt remplacés par des glacières). Nous avons finalement trouvé la réponse ! Après tout juste deux semaines de vélo, nous avons passé hier le cap symbolique des 1000 premiers kilomètres ! Nous voilà arrivés ce matin à Bangkok où nous sommes accueillis par Marion, Armelle et Loïc, les responsables Asie d'Enfants du Mékong. Fin de la première étape, nous prendrons d'ici 2-3 jours la route vers le Cambodge puis le Vietnam, où nous rencontrerons les premiers filleuls, nous avons hâte ! Merci aux 15 parrains déjà engagés, et d'avance à ceux qui veulent rejoindre l'aventure ! Bravo pour vos participations aux Photos-Mystères, il y a de belles idées dans les commentaires, ça fait toujours plaisir à lire ! Voilà un petit indice pour la photo n°2 : la pastille noire au milieu de l'affiche a été rajoutée par nous pour cacher un élément trop flagrant...écrit en français ! Ça vous aide ? Réponse samedi 20 ! Dernière info : Pour ceux qui préfèrent sous ce format, le premier récit, désormais terminé, est maintenant disponible en version PDF illustré (ci-dessous). Bonne lecture !
Le soleil du lendemain a éloigné la pluie, et, sur la route en travaux d’agrandissements, entre les gigantesques forêts de palmes qu’exploitent de grandes usines aux domaines luxueux, nous faisons assez peu de pauses, à moins d’un lieu ou événement particulier qui nous intrigue comme ce grand marché aux saveurs et odeurs locales dans lequel nous déambulons en goûtant les fameux « fruits du dragons » sous les éclats de rire de la vendeuse dont nous n’avons pas réussi à comprendre les indications de prix. Nous prenons aussi le temps d’échanger avec les gens qui étudient avec grand intérêt notre vélo lorsque nous sommes à l’arrêt. Le village semble sympathique et nous hésitons à y rester pour la nuit en allant demander l’hospitalité à l’église chrétienne que nous avons croisée avec surprise. Mais nous avons trouvé un hôte sur le site « Warmshower » – une communauté de cyclovoyageurs prêts à s’accueillir les uns les autres par laquelle nous avons fait de très belles rencontres en recevant chez mes parents des voyageurs du monde entier – qui pourrait nous recevoir demain soir et il reste beaucoup de kilomètres pour arriver chez lui. Alors, finalement, nous nous remettons en route pour en faire une partie dans l’après-midi.
Alors qu’on approche de 18h et que le jour commence à s’essouffler, je sens la pression monter chez Lucie concernant notre hébergement du soir. Elle était très séduite par le village et la route sur laquelle nous sommes est curieusement bordée d’assez peu de maisons. Avec un peu d’appréhensions pour cette première demande, nous nous approchons de l’une d’elles et essayons d’expliquer notre démarche et notre recherche d’un lieu ou poser un matelas. Incompréhension ou manière polie de refuser de nous accueillir sous son toit, l’homme qui nous écoutait nous désigne le poste de police en face et enfourche sa moto pour nous accompagner jusqu’à son extrémité ou sont installées des toilettes publiques. « Ici, vous pourrez installer votre tente et avoir de l’eau et des toilettes pour vous laver ». Nous le remercions non sans une petite pointe de déception. Alors que nous tournons en rond en nous demandant si nous nous contentons de cela ou allons essayer plus loin, un policier en plein footing s’approche et nous fait signe de le suivre. Quelques minutes plus tard, il nous désigne la cantine de son service avec l’électricité et surtout les ventilateurs, en nous montrant que ce sera plus confortable de dormir à cet endroit. Il nous indique aussi les toilettes du rez-de-chaussée du poste de police et s’assure que nous ayons quelque chose à manger. Quand nous lui faisons signe que non, il nous explique qu’on peut trouver un petit supermarché 1km plus loin, mais à peine sommes-nous sortis de notre douche un petit moment plus tard, qu’il ressurgit en nous tendant deux pasta-box locales à bases de noodles, auxquelles nous n’avons plus qu’à ajouter de l’eau bouillante, qu’il vient vraisemblablement d’aller chercher au magasin. Super, exactement ce qu’il nous fallait pour ce soir ! L’accueil des policiers du soir comme du matin qui semblent tous au courant de notre voyage et viennent échanger, qui un petit mot, qui un regard intrigué sur le vélo, nous fait débuter la semaine en beauté. Mais ce n’est rien comparé à l’accueil que nous réserve le lendemain Pattira, notre hôte Warmshower. D’après la photo sur le site, nous imaginons être accueillis par un jeune informaticien de 18-20 ans, qui, d’après l’annonce, vit avec sa mère. Arrivés à destination, une dame d’une trentaine d’années nous explique que « Patty » est parti accompagner sa mère au temple et nous propose à boire et quelques bananes pour patienter. C’est donc tout naturellement que j’entame la conversation en lui demandant si elle est la femme de notre hôte, en tapant mon texte sur le traducteur de notre téléphone pour être sûr de bien me faire comprendre. Ce n’est qu’à l’arrivée de Pattira que je comprends l’air choqué de mon interlocutrice, quand nous découvrons que « Patty », du haut de sa soixantaine d’années est en fait une dame… Oups ! Mais la gaffe est vite oubliée. Pattira est adorable et ses études à Sydney et sa carrière dans une grande entreprise de Pétrochimie lui ont forgé un anglais parfait, qui nous permet de passer une super soirée pleine d’échanges, en prenant plaisir à cuisiner une omelette ensemble et à bricoler des sacoches « maison » pour son vélo dont elle est si fière et avec lequel elle rêve de se lancer sur les routes. A tel point qu’au moment d’aller se coucher, elle nous demande si elle peut nous accompagner sur une partie du chemin. Le lendemain, nous serons trois à prendre la route du Nord vers Bangkok ! Je termine ce premier récit quelques jours plus tard, installé à l’abri pour une première pause matinale que nous a imposé la pluie, tandis que Lucie, à côté de moi, s’essaye à l’aquarelle… Pfffff, mal aux fesses. Mais qu’est-ce qu’on fiche sur ce vélo ?
On est repartis sous la pluie ce matin, découvrant au passage que, même quand le ciel est clément, l'air est tellement saturé d’humidité que même nos vêtements techniques en synthétique n'ont pas assez de la nuit pour sécher. Si après une première côte particulièrement costaude, la route est plus facile tandis que nous rejoignons le nord de l’île, après une quarantaine de kilomètres sans un arrêt, la selle commence à devenir inconfortable pour ma fesse gauche. Nous avons délaissé les plages de l’ouest en traversant d’étranges zones résidentielles aux grandes maisons que bordent plusieurs terrains de golf. Les buffles nous regardent passer d’un air intrigué, alors que les chiens, que nous redoutons de réputation auprès des cyclo-voyageurs, semblent pour l’instant rester calmes. Nous avons même croisé un éléphant caché entre deux arbres ! Puis nous avons rejoint le fameux pont qui surplombe l’étroit bras de mer séparant l’île de Phuket du continent, et nous nous sommes lancés sur les routes du continent. Et là, alors que mon coccyx me lance, je regrette un peu mon confortable vélo couché. Loin de cette lourdeur dans les côtes, tellement plus confortable… Me revient la question d’hier : Pourquoi nous sommes-nous embêtés à partir ainsi avec ce vélo qui nous contraint à passer nos journées à pédaler au lieu de profiter, et à avancer au ralentit plutôt que de foncer vers les coins qui ont un réel intérêt ? Les prochains jours ont le bon goût de m’apporter une réponse flagrante que je connaissais déjà, mais qui a tendance à s’oublier quand on a mal aux fesses. Pour les « coins qui ont un réel intérêt », ils sont très vite remis en cause par la ballade que nous faisons le soir pour aller découvrir la baie de Phang Nga et la fameuse île de James Bond. Nous avons eu du mal à décider de poser notre vélo et à payer le prix fort réservé aux touristes pour monter dans une pirogue à moteur mignonne mais infiniment trop grande et polluante pour nous deux, à la découverte de ces îles que l’on voit sur les couvertures de tous les guides touristiques dédiés à la Thaïlande. Lucie craignait le manque d’authenticité et le décalage avec notre quotidien simple de cyclovoyageurs, tandis que j’avais peur de regretter de ne pas « avoir fait ce best-of Thaïlande » si nous décidions de passer outre. Finalement, on a fait un passage express dans un joli coin, mais Lucie avait raison. La récupération touristique du lieu lui a un peu ôté de son charme… Par contre, l’accueil poliment surpris que nous réservent les moines le soir dans le monastère bouddhiste où nous allons demander à être hébergés justifie à lui seul le mal de fesses du matin. Quand nous l’interpelons, le religieux fait à peine mine de nous avoir vus et continue sa tâche de nettoyage sans se préoccuper de nous. Puis, alors que nous hésitons à tourner les talons, il pose son balai, nous observe un instant le visage dénué d’expression, nous fait signe de le suivre et s’éloigne vers un bâtiment. En quelques minutes, il nous présente une salle, de prière ou de conférence, au carrelage étincelant et aux beaux bancs de bois tournés vers l’autel près duquel siège un Bouddha doré, en nous faisant comprendre que nous pouvons nous installer là, puis nous mène jusqu’aux sanitaires. Sa tâche d’accueil accomplie, il fait demi-tour, et part à la tâche suivante sans même nous laisser le temps de le remercier. Nous, interloqués par son absence totale d’émotions et l’incongruité de la situation, éclatons de rire en installant notre tente aux pieds du Bouddha qui veillera sur notre sommeil. Un peu plus tard, un autre moine vient nous chercher et nous désigne l’échelle d’une petite tour à laquelle il monte, en nous faisant signe de ne pas avoir peur. L’instant suivant, la cour résonne des coups de cloche qu’il frappe à un rythme régulier. « N’ayez pas peur, je lance juste l’appel à la prière ». Ok, merci. Les psalmodies de la prière nous accompagneront toute la soirée, tandis que nous nous endormons dans la fraicheur relative qu’apportent les fans à notre disposition… La journée du lendemain démarre au bruit d’un défilé local que nous observons avec curiosité dans la rue. On voit passer des danseurs, des enfants avec des masques affreux ou portant des statues à l’effigies de monstres étranges, des porteurs d’offrandes… et nous dégustons tranquillement des beignets de bananes à côté de tout ce brouhaha en faisant essayer le Pino à un passant intrigué. Au fil des jours, nous trouvons notre rythme sur le tandem. Lucie a essayé de prendre un peu l’arrière pour me permettre de passer à l’avant et de reposer un peu ma fesse gauche. Malgré ses premières appréhensions à tenir le guidon avec les 200kg de chargement (30kg de vélo, 30kg de bagages, et nous deux), elle s’y fait très vite, et nous échangeons désormais régulièrement. De mon côté, ça m’a fait un peu bizarre au début de passer devant et de « ne plus avoir le contrôle » – une subtile trace de misogynie de notre société, ou simplement mon besoin de « maitriser » les choses ? – mais je m’y fais aussi rapidement. Il faut dire que c’est quand même confortable, et ça me rappelle les sensations du vélo couché. Le choix de ce tandem semi-couché se confirme rapidement comme idéal. Un peu plus lent dans les côtes, d'accord, mais idéal sur le plat, et surtout, quel bonheur de pédaler ensemble, se soutenir quand l'un ou l'autre faiblit, franchir les côtes ensemble et célébrer les sommets dépassés. Pas d'attente de l'autre, d'impatience à trouver que l’un n'avance pas, ou de rancœur à se sentir à la traîne. Fournit-on autant d’énergie l'un que l'autre ? Aucune idée, et honnêtement, je m'en fiche, je ne veux même pas le savoir. Au contraire, j’ai plaisir à me dire que chacun donne à sa mesure, en fonction de l'humeur du jour, l'effort de l'un compense la fatigue de l'autre et que le résultat ne soit que collectif… Quel confort aussi de pouvoir pédaler à son rythme grâce aux pédaliers désynchronisés, de voir tous les deux correctement le paysage et de pouvoir changer de position. Et je ne vous parle même pas de l'aspect facilitateur de rencontres. Et non, je n'ai pas d'action chez le fabricant ! Nous faisons désormais autour de 50km dans la matinée sur des routes parfaitement asphaltées dont les bandes cyclables, souvent présentes, nous surprennent toujours. La route file vers Surat Thani et la mer au Nord-Est, souvent entourée de forêts épaisses remplies de palmiers et de bananiers, parfois entre les collines, et, si elle est encore parfois pentue, nous avons aussi pris le coup sur des montées bien plus douces sur cette route principale que celles de la côte de Phuket. Le midi, nous profitons d’une à deux heures de pause, et, en fonction des rencontres, pédalons à nouveau 20 à 30km l’après-midi. En route, nous prenons plaisir à répondre d’un sourire, parfois d’un coup de klaxon et souvent d’un signe de la main et d’un « hello » ou « sawatdi-kha(p) » aux gestes de salut ou d’encouragement des gens assis devant leur maison ou dans les petits restaurants de bord de route. Ces échanges sont brefs, mais d’un simple sourire, on se sent rapidement connectés à ces inconnus, et on sent que la rencontre égayera leur journée autant que la nôtre. En haut d’une côte, une voiture qui nous dépasse s’arrête et un homme en descend pour nous tendre une bouteille d’eau, avec, comme souvent, le pouce levé. Toutes ces petites choses remplissent les journées d’une simplicité qui nous fait du bien et donne du sens à notre voyage. C’est pour cette raison, pour ces rencontres imprévisibles, pour ces sourires échangés et ces situations improbables que nous sommes partis. Nous sommes partis à vélo pour aller au rythme de la vie et que ces péripéties incontrôlables qui bouleversent notre quotidien apparaissent d'elles-mêmes sur notre route. Nous avons choisi ce mode de voyage pour que, plutôt que de visiter, d'aller au-devant de lieux d'intérêts reconnus selon le programme que nous aurions défini, nous vivions et nous immergions profondément dans ces étincelles de vie que le quotidien décide de mettre sur notre route. Nous avons troqué le confort et la beauté des lieux contre l'authenticité et la saveur de l'humanité. Et ça, ça vaut tous les coups de pédale du monde ! Comme le dit si bien Lucie, depuis un an, nous nous projetions sur ce voyage, préparions, planifions. Désormais, nous le vivons au jour le jour et laissons intervenir l'imprévisible, même si ça surprend toujours les gens que nous ne sachions pas répondre aux questions "Jusqu'où allez-vous ce soir ? Où dormirez-vous cette nuit ?" Ainsi, ce midi, alors que nous nous arrêtons pour notre traditionnel plat de riz dans une cabane en bois du bord de route, une femme d’une trentaine d’années vient discuter avec nous en nous expliquant qu’elle est prof d’anglais. L’échange s’éternisant, elle va chercher son fils de 2 ans et son petit-déjeuner, pour s’installer avec nous en nous expliquant qu’elle est en vacances et un peu décalée dans ses horaires. On parle de son travail, de notre voyage, d’une cascade sympa à quelques kilomètres… et quand on lui explique que ça fait quand même un détour non négligeable pour nous, elle propose spontanément de nous emmener en voiture dès qu’elle a fini son assiette. Dix minutes plus tard, nous voilà devant une magnifique cascade en pleine forêt tropicale. Lucie profite de la fraicheur et du charme de l’endroit en discutant avec Wan, notre hôte, un peu moins inspirée que moi par la couleur marron de l’eau qui jaillit 4 mètres au-dessus de nous. Moi, trop heureux de saisir cette occasion de se rafraichir et d’avoir un peu d’adrénaline en se jetant sous les gerbes d’eau, je m’accroche aux rochers glissants et plonge avec plaisir dans l’eau turbulente. Quand on a une occasion comme celle-là de rencontre, on ne la laisse pas passer, alors, lorsque Wan nous demande si nous avons le temps de passer boire un verre chez elle « avant de reprendre la route », nous n’hésitons pas longtemps. Après le passage par sa maison, et une visite chez ses beaux-parents, elle nous emmène chez un ami garde-forestier qui a une petite maison de bois au bord de la rivière. De fil en aiguille, nous passons finalement l’après-midi à nous baigner dans la rivière et jouer sur les chambres à air qui leur servent de bouées. Quand elle nous emmène ensuite voir un temple majestueux à quelques kilomètres de là, nous nous retrouvons soudainement sous des trombes d’eau parsemées d’éclairs qui nous empêchent de quitter la voiture. Le vent forcit brutalement et, en quelques secondes, un torrent de 30cm recouvre le sol devant le temple. Les gens courent à leurs voitures, les parapluies volent, le tonnerre claque comme je l’ai rarement entendu. Un vrai orage de mousson. Eh ben, heureusement que nous n’étions pas à vélo sous celui-là ! Pour le temple, il faudra repasser. Comme ceux que nous croisons régulièrement sur la route, celui-ci brille de mille éclats d’or et de décorations luxueuses quoiqu’un peu kitch. Tous semblent neufs, tellement loin de ceux que j’ai découverts au Nord de l’Inde. Là-bas, dans une ambiance un peu poussiéreuse mais d’une solennité qui vous enveloppait de manière intimidante, les monastères semblaient aussi ancestraux que les montagnes desquelles ils paraissaient sortir. Sombres, austères, ils semblaient renfermer des savoirs millénaires et s’être fondus dans la roche pour une vie de sobriété presque effrayante. Ici, on semble vouloir impressionner plutôt par le clinquant et le faste, on étale de la richesse dans une ambiance où l’image aurait remplacé la profondeur et la sagesse. Quant au soir… « Oh, vous devriez rester, il y a un super festival dans le village, et vous pourrez installer votre tente dans l’école puisque ce sont les vacances ! ». Finalement, le festival qui nous attirait tant se résume à une kermesse à l’ambiance « paillettes et casquette à l’envers » qui nous séduit beaucoup moins. Nous découvrons avec surprise qu’elle semble organisée par les moines voisins qui, à travers les « arbres à offrandes », sur lesquels il est bon d’accrocher un petit billet pour se porter bonheur, les manèges surprenants où les voitures et autres avions sont suspendus par des cordes et non posées sur un sol tournant comme chez nous, et les tombolas et autres jeux d’argents, doivent récolter de quoi redorer sans difficulté leur temple qui brille déjà de toutes parts. Entre les attractions, de grands stands proposent, ici des petites pâtisseries pleines de crème, là des bols de soupe, ou de la pâte à choux frite. Wan prend plaisir à nous faire découvrir tout cela, mais nous ne sommes pas mécontents que, pour cette fois, elle ne nous force pas à tester les larves et autres insectes grillés qu’elle dit pourtant excellents. Bon, ça ne restera pas le moment le plus mémorable pour nous, même si, grâce aux tickets de tombola qu’elle nous a offerts, nous gagnons un tube de lessive et une bouteille d’huile de palme ! Par contre, nous troquons le camping à l’école contre une nuit dans sa maison, près de la moto de son mari et de leurs photos de mariage. Nous découvrons alors avec surprise l’envers du décor derrière cette première pièce bien accueillante aux grandes baies-vitrées. La maison est basse de plafond, relativement sale et surtout très modeste, avec une salle de bain qui se résume à une pièce en béton avec un grand saut plein d’eau pour se laver en même temps que pour évacuer les toilettes, et une cuisine couverte de traces de graisse. Nous commençons à douter des histoires qu’elle nous racontait sur le soi-disant camping de luxe dont serait propriétaire son mari, près de l’île de Koh-Lanta, au Sud du pays, surtout lorsqu’elle publie sur Facebook une photo de nous soi-disant sur l’île avec elle, et sommes un peu déçus d’avoir l’impression que notre accueil devait sans doute participer pour elle à construire une image un peu virtuelle… Dommage. Même si cette importance de l’image nous interroge encore, nous retiendrons plutôt la chaleur de la rencontre et les bons moments passés ensemble l’après-midi. C’est sous un crachin désagréable que nous quittons Phuket. Loin des torrents des pluies de mousson que nous attendions, juste de quoi nous faire dire « qu’on peut rouler quand même » tout en nous détrempant. Nous avons finalement choisi de faire le tour de l’île de Phuket par les plages de l’Ouest, réputées pur être parmi les plus belles du monde, plutôt que de remonter directement vers l’aéroport, et la pluie a la bonne idée de s’effacer lorsque nous arrivons sur la côte et la plage de Patong. Une grande langue de sable s’étend devant la mer azur entourée de collines verdoyantes coiffées de cocotiers. Les nuages noirs s’amoncellent au large, apportant une touche mystérieuse au paysage. Pas mal, en effet, même si peut-être un peu trop touristique à notre goût. Après le repas du midi, la pluie reprend de plus belle, et, détrempés, nous découvrons que l’après-midi ne sera pas de tout repos. Passer par les plages de l’Ouest nous rallongeait la route de 25km. C’est raisonnable pour voir des jolis coins par rapport à la longueur de nos trajets. Oui, mais c’était compter sans la pluie et surtout les collines qui se succèdent au bord de l’océan. Les montées des routes secondaires ne doivent pas respecter les mêmes degrés de pentes que les principales apparemment, et, rapidement, elles viennent à bout de notre faible expérience du Pino. C’est donc à pied, en poussant notre monture, que nous escaladons donc la plupart d’entre elles, non sans un brin d’appréhension à l’idée de ce qui nous attend dans les montagnes vietnamiennes.
« Allez, c’est la dernière, après c’est plat ». Raté. Une grande descente dans laquelle je freine à contrecœur devant l’inquiétude de Lucie en première ligne et plus proche du sol, et tout de suite après, la route reprend de l’altitude. Allez, on donne tout ce qu’on a, on change de vitesse et on s’échine sur les pédales. Le vélo ralentit, on essaie encore de rétrograder, Lucie se cambre en appuyant de tout son dos contre son siège, j’essaie une incertaine danseuse en tentant de conserver un précaire équilibre, le vélo ralentit… et on pose le pied par terre. Pas possible, trop raide…. Alors, on souffle un coup et l’un s’agrippe au guidon tandis que l’autre va derrière le vélo pousser les sacoches. Excepté le ciel tout gris, l’environnement est pourtant agréable. Nous sommes entourés d’une forêt dense, anarchique, d’où dépassent ici un palmier, là une touffe de bananiers, et toutes sortes de buissons qui cherchent à envahir la route. Ici ou là, une trouée laisse apparaitre la mer et deviner des petites plages perdues, ignorées de la foule. Une petite rivière se fraye en grondant un chemin à travers la végétation épaisse… Un sacré charme, dont j’ai l’impression que nous profiterions davantage si nous ne consacrions pas toute notre énergie à essayer de faire avancer ce vélo ! Je jette des regards d’envie aux nombreux Pick-up qui nous dépassent. Ce ne serait pas bien compliqué d’en arrêter un et de mettre le vélo à l’arrière. Mais bon, dès le premier jour ? Alors, on remonte en selle et on s’évertue à avancer autant que possible, trempés en permanence, que ce soit par la pluie ou la sueur… On jette l’éponge après seulement 42km mais 700m de dénivelé positif, usés par la journée et séduits par une plage au cœur du parc naturel de Sirinat. On se laisse tenter par un petit hôtel réconfortant avant d’aller nous baigner dans les lueurs enflammées de la plage au crépuscule. C’est quand même bien agréable, et plus facile que le vélo ! Bah, ce n’est que la mise en route ! Demain, nous traverserons le Sarasin Bridge et quitterons l’île de Phuket pour entrer réellement sur le continent asiatique. Mais profitons pour le moment du coucher de soleil qui embrase le ciel au-dessus de la mer, car comme dirait Lucie, « une chose en son temps ». |